Les savoir-faire ainsi que les informations commerciales non divulguées bénéficient d’une protection renforcée depuis la Loi n°2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires qui a transposé la Directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016.
Près de cinq ans après sa publication, l’occasion de faire le point sur sa mise en application et les précisions apportées par la Jurisprudence.
Pour rappel, pour prétendre à la protection au titre du secret des affaires, l’information doit répondre aux critères posés par l’article L 151-1 du Code de commerce :
- Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;
- Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
- Elle fait l’objet de mesures de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.
Dans un arrêt du 17 décembre 2020, la Cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la charge de la preuve du secret des affaires, qu’elle impose « à la partie qui entend se prévaloir de la protection ».[1]
Toutefois la Loi de 2018 ne prévoit pas de mesures probatoires spécifiques.
Le caractère secret des informations est soumis à l’appréciation des juges. Par exemple, la Cour d’appel de Versailles a considéré que des prix relatifs à des matières premières sont des informations connues du marché et ne bénéficient pas de la protection au titre du secret des affaires. [2]
Ainsi, pour apprécier l’éligibilité à la protection du secret des affaires, les juges tiennent compte du secret et de la confidentialité des informations mais aussi de leur date et du niveau de protection.
La Cour d’appel de Paris a notamment jugé que des informations « manifestement non publiques, non aisément accessibles, qui datent de moins de cinq années » et qui ont été protégées par le biais de clauses de confidentialité sont « sensibles et stratégiques d’un point de vue commercial et concurrentiel » et relèvent ainsi du secret des affaires.[3]
Compte tenu de cette sensibilité, la Loi de 2018 offre la possibilité d’engager la responsabilité civile de celui qui obtiendrait, utiliserait ou divulguerait illicitement le secret des affaires (article L 152-6 du Code de commerce).
Toutefois, bientôt cinq ans après l’adoption de cette Loi, aucune décision sur le fond sanctionnant une atteinte au secret des affaires n’a été rendue.
Une des explications à cela pourrait être le principe de non-cumul des actions en responsabilité contractuelle et délictuelle pour un même préjudice résultant d’un même fait. En effet, le Tribunal de commerce de Paris a explicitement fait application de ce principe de non-cumul dans un arrêt du 10 novembre 2019, faisant prévaloir la responsabilité contractuelle.[4]
D’un autre côté, les mesures de protection de nature à empêcher ou faire cesser l’atteinte au secret des affaires, y compris en cours de procès, semblent avoir été davantage sollicitées.
Les juges ont ainsi été amenés à se prononcer sur la conciliation entre les mesures d’instruction et la protection du secret des affaires.
Pour pouvoir ordonner des mesures d’instruction en lien avec des informations protégées au titre du secret des affaires, le juge doit s’assurer qu’il existe un motif légitime à ces mesures et que ces dernières ne portent pas une atteinte disproportionnée au secret des affaires.[5]
Dans l’hypothèse d’une atteinte potentielle à la protection du secret des affaires, le juge a la possibilité de recourir au placement sous séquestre provisoire,[6] et uniquement à cette procédure.[7]
En outre, dans le cadre d’une instance au fond, un aménagement de la procédure peut être autorisé afin de garantir la protection du secret des affaires. Ainsi, la Cour d’appel de Paris a pu restreindre l’accès à certaines pièces et autoriser que deux versions de conclusions soient communiquées, l’une étant expurgée de toute information confidentielle. [8]
Finalement, il est nécessaire d’identifier au plus tôt les informations sensibles de l’entreprise qui doivent être tenues secrètes et d’organiser des mesures de protection afin de pouvoir profiter de l’arsenal juridique offert par la Loi du 30 juillet 2018.
L’équipe HAUTIER IP vous accompagne dans la protection et la valorisation de vos savoir-faire et secrets commerciaux.
Cela inclut :
- Des audits des pratiques de réservation des secrets
- Des conseils sur l’arbitrage entre brevet et secret
- Des constitutions de preuves du savoir-faire
- Des accompagnements pour contractualiser vos transferts de technologies
Des aides et subventions (INPI, BPI en particulier) existent pour la plupart de ces prestations.
[1] Cour d’appel, Paris, Pôle 5, 2e chambre, 17 décembre 2020 (n°19/18575)
[2] Cour d’appel, Versailles, 6e chambre, 27 février 2020, (n°19/03646).
[3] Cour d’appel, Paris, 8 avril 2021 (RG 21/05090)
[4] Tribunal de commerce de Paris, 10 novembre 2019 (2019/036759)
[5] Cour de cassation, 2e chambre civile, 10 juin 2021 (n°20-11.987)
[6] Cour d’appel, Dijon, 2e chambre civile, 17 septembre 2020 (n°20/00352)
[7] Cour de cassation, Chambre commerciale économique et financière, 1er février 2023 (n° 21-22.225)
[8] Cour d’appel, Paris, 16 avril 2019 Conversant c/ LG, (n°15/17037)